4.700 écoliers bénéficiaires
La fondation marocaine BMCE veut s’inspirer de cette expérience pour mettre en place son propre système de transport scolaire en milieu rural
Membre du barreau de New York et ancien président du prestigieux groupe monégasque Edmond de Rothschild, Lotfi Maktouf a fait une carrière professionnelle internationale qui en ferait pâlir plus d’un. Maîtrise de droit en poche, obtenue en 1978, ce jeune Tunisien brillant poursuit ses études dans la prestigieuse université de la Sorbonne puis s’envole pour les Etats-Unis où il obtient l’équivalent du doctorat qui parachève un parcours universitaire sans faute. De succès en succès professionnel, le jeune homme entame une carrière d’avocat puis devient premier conseiller auprès du Fonds monétaire international et se fait un nom dans le milieu des finances.
L’amour du pays le ramène en Tunisie après la révolution, où, comme beaucoup de Tunisiens vivant à l’étranger, il nourrit l’espoir de vivre des lendemains meilleurs. Il a plein de projets en tête et veut aider notamment à la reconstruction de la patrie. Il sillonne les régions et y découvre des gens qui vivent dans une pauvreté extrême. Il sait ce qu’il a à faire et crée l’association El Madaniya pour venir en aide à ceux qui sont dans le besoin. Dans un premier temps, le jeune avocat aide mille diplômés de l’enseignement supérieur qui se trouvent au chômage à obtenir leur permis de conduire afin de faciliter leur déplacement pour la création et la mise en place d’éventuels projets.
Mais c’est la situation des enfants vivant dans les zones rurales qui le préoccupe le plus. En effet, en faisant le tour des régions et des zones rurales, L. Maktouf remarque que de nombreux enfants font plusieurs kilomètres à pied pour se rendre à leurs établissements respectifs. Il se renseigne sur la situation de ces enfants vivant dans des conditions de précarité extrême. Les chiffres sont effarants. Ils sont trois cent mille à effectuer plus de quatre kilomètres par jour et quinze mille plus de six kilomètres au quotidien pour se rendre à l’école dans les régions rurales. C’est le gouvernorat de Kairouan qui compte le plus grand nombre d’enfants se rendant à l’école à pied.
Le président de l’association décide de mobiliser des fonds pour améliorer le transport rural dans les régions. Un diagnostic de l’état des lieux est réalisé dans cinq gouvernorats afin de déterminer les faiblesses en matière de transport scolaire. Des contrats sont établis avec des propriétaires de taxis ruraux afin que ces derniers transportent tous les jours les écoliers vivant dans les zones reculées à leur établissement respectif. «Sur les cent mille élèves qui ont interrompu leurs études l’année dernière, un grand nombre s’y est trouvé contraint à cause de la distance qui sépare leur établissement de l’endroit où ils vivent, explique Adel Maktouf, un membre de l’association. Chaque année, plusieurs élèves s’absentent un ou deux mois car ils sont dans l’impossibilité —lorsque les conditions météorologiques sont mauvaises— de se rendre à pied à l’école. C’est ce qui a poussé beaucoup d’entre eux à abandonner l’école. L’absence de transport scolaire est l’une des principales causes de l’abandon scolaire précoce en milieu rural. C’est pour, cette raison que nous avons décidé d’intervenir». Chaque jour, des taxis ruraux récupèrent les enfants au niveau de points de rassemblement situés à proximité de leur foyer, les transportent jusqu’à leur école puis les récupèrent à la fin des cours.
L’association est intervenue dans les régions de Jendouba, du Kef, de Siliana, Mahdia et Kebili où plus de 4.000 écoliers ont bénéficié de cette opération bénévole qui coûte à l’association onze mille six cents dinars par enfant. «Après avoir étudié toutes les possibilités, nous avons vu que la meilleure solution est d’améliorer le système de transport existant, note Dalel Mehrzi, directrice de projet au sein de l’association. Notre objectif est de généraliser cette action aux régions et aux zones rurales qui comptent un très grand nombre de foyers isolés et se trouvent loin des établissements scolaires comme les régions de Béja, Sidi Bouzid et Kairouan». Les actions d’El Madaniya ont suscité aujourd’hui l’intérêt de la fondation marocaine BMCE Bank qui veut s’inspirer de leur expérience pour développer son propre système de transport rural dans les zones reculées. Une convention vient d’être signée, avant-hier, entre Lotfi Maktouf et le président de la fondation Othman Ben Jalloun, représenté par Jalloul Ayed, ancien Administrateur Directeur Général du groupe BMCE. Les deux parties ont signé une convention qui prévoit la mise en place d’un comité chargé d’assurer la coordination et les échanges d’expériences entre les deux associations. Par ailleurs, ces dernières prévoient de créer un prix récompensant la meilleure initiative citoyenne visant l’amélioration des conditions et de l’accès à l’éducation dans les zones rurales. Enfin, une radio rurale sera lancée et sera diffusée sur internet au Maroc et en Tunisie. Les programmes de cette radio traiteront des problématiques de fond liées à l’éducation scolaire et préscolaire et à l’environnement.
Repère
L’Utica, acteur de la société civile
Il semblerait que l’Utica veuille se lancer dans l’action associative. En effet, la patronale des chefs d’entreprise prévoit de créer sa propre fondation, regroupant des chefs d’entreprise, qui financeraient des actions bénévoles pour améliorer les conditions sociales dans les régions défavorisées. Le projet est encore à l’étude.